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19/01/2024
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Numéro spécial : La révolution invisible : le Mérignac des trente glorieuses (1944-1974)

Le centre-ville de Mérignac au milieu des années 1950
Crédit : archives de Mérignac - Le centre-ville de Mérignac au milieu des années 1950 


Les 30 ans qui correspondent aux différents mandats de Robert Brettes (1902-1974) correspondent aussi au véritable décollage économique de Mérignac. En 1944, Mérignac reste essentiellement un territoire rural (96% de sa superficie n’est pas urbanisée), occupé plusieurs années par l’armée allemande, avant d’être partiellement bombardé par les Anglais et les Américains.
Au cours de la séquence qui démarre à la Libération et qui se conclut par le décès de Robert Brettes en septembre 1974, Mérignac connait une « révolution invisible » : la population passe de 21.000 à 50.000 habitants, les infrastructures se développent, les premiers parcs d’activité apparaissent et les grandes filières, qui structurent aujourd’hui encore le tissu économique, se mettent progressivement en place.

 

1944-1974 : la révolution invisible

De la Libération au décès de Robert Brettes, Mérignac est l’archétype de la « révolution invisible », décrite par Jean Fourastié dans Les trente glorieuses. La population augmente de 150%, alors que Bordeaux par exemple perd 30.000 habitants au cours de la même période.

Au cours de cette séquence, la ville se construit et se structure, avec par exemple 7.000 nouveaux logements entre 1947 et 1964, 75 kilomètres de travaux d’adduction d’eau ou 115 kilomètres de ligne électrique entre 1947 et 1958 ou la création de plus de 250 classes dans les écoles (le nombre d’élèves passe de 1.700 à 14.000 entre 1947 et 1971).

Parallèlement, Mérignac rentre dans une séquence puissante (et non interrompue depuis) de croissance avec l’aménagement des premières zones d’activité, l’émergence ou le renforcement de plusieurs grandes filières (aéronautique, grande distribution, activité productive) et, d’une manière générale, une volonté municipale forte de devenir le premier acteur de son développement économique.

 

1950 : l’implantation des usines Marcel Dassault

Dassault Aviation est aujourd’hui, avec 3.000 collaborateurs, l’entreprise la plus emblématique de la ville, son premier employeur privé, et celle dont l’effet d’entraînement économique est le plus important. Dès 1939, Marcel Bloch installe une petite usine à Talence (le principe est à l’époque d’éloigner la production militaire de la capitale). 

En 1949, Marcel Dassault (son nouveau nom depuis son retour de Buchenwald) reçoit une commande de l’Etat pour produire 450 avions (des « Flamant », des « Ouragan » et des « Vampire »). Le site de Talence, situé en cœur de ville, est trop exigu. Marcel Dassault décide alors de transférer les installations à Mérignac, en bordure de piste de l’aérogare. L’architecture est confiée à Georges Hennequin. Le permis de construire du premier bâtiment de 12.000 m² est obtenu en avril 1950.

Dès octobre 1950, Hennequin conçoit un deuxième bâtiment. Il en dessine ensuite sept autres jusqu’en 1966 au gré des commandes, essentiellement militaires. Et depuis 70 ans, l’extension du site est quasi continue. Le campus compte aujourd’hui 27 bâtiments, sur une emprise d’une centaine d’hectares.

Depuis sa création, plus de 8.500 appareils civils et militaires sont sortis des différents hangars. Actuellement, le site de Mérignac assure principalement l’assemblage du Rafale et des Falcon 900, 2000, 6X, 7X et 8X.

Les fonctions du site se sont considérablement élargies, puisqu’il assure désormais des activités de conception, de développement technologique, d’achats, d’approvisionnements ainsi que du soutien civil et militaire. Le site assure aussi des activités de formation pour les pilotes et les techniciens. Ces activités représentent plus de 50% de l’effectif du site.

 

1957 : la création de l’avenue John-Fitzgerald Kennedy

vue aérienne des avenues Kennedy et de la Somme en 1957
Crédit : archives de Mérignac - Vue aérienne des avenues Kennedy et de la Somme en 1957


Plusieurs réalisations structurantes de cette séquence historique se déroulent le long de l’avenue Kennedy (construction de l’aéroport, création de la zone de l’hippodrome, ouverture de l’hypermarché Carrefour, construction de l’usine Semia, construction de l’hôtel Novotel). Pourtant, cette voie, qui est devenue l’épine dorsale de la ville, n’a été créée que sous Robert Brettes.

Historiquement, l’objectif était de relier en ligne droite le centre de Bordeaux à l’aérodrome provisoire. Le tracé de la route de l’aéroport est dessiné en 1951 et les expropriations commencent en 1955. A l’époque, l’aéroport n’est desservi que par un chemin étroit et traverse des terrains qui n’ont aucune valeur agricole. Le conseil municipal décide de rebaptiser la route de l’aéroport en mars 1964. 

L’avenue Kennedy, qui s’étend sur 3,5 kilomètres, relie aujourd’hui les deux plus grosses polarités de la ville : la zone commerciale (10 à 12 millions de visiteurs par an en 2019) à l’aéroport (7,7 millions de passagers en 2019) et dessert ou traverse Mérignac Soleil, les zones d’activité Château-Rouquey, l’Hippodrome ; le village du Meuble, le pôle hôtelier, Cadera nord et Cadera Sud, le parc Innolin, via la rue des acacias, et bien sûr l’aéroport. Elle est longée par le tram depuis avril 2023.

 

1960 : l’aéroport de Raymond Mothe

l’aéroport au début des années 1960
Crédit : archives de Mérignac - L’aéroport au début des années 1960 


Avant 1960, l’emplacement de l’actuel aéroport avait déjà accueilli des activités aéronautiques avec notamment l’aérodrome de Marcel Issartier en 1912, l’implantation de la base de Beutre (ex-BA 106) et le « port aérien » de Bordeaux-Mérignac en 1936, qui ne sera jamais mis en service.

Au cours de la seconde guerre mondiale, les infrastructures sont successivement occupées par l’armée allemande, puis bombardées par les aviations anglaise et américaine (avec notamment 500 tonnes de bombes déversées en juin 1944), avant d’être définitivement dynamitées par les Allemands au moment de leur départ.
De fait, l’aéroport et les pistes sont totalement détruites à la Libération, avant d’être remplacées provisoirement, à partir de 1945, par une aérogare en bois. Très vite, un nouveau bâtiment est dessiné par l’architecte Raymond Mothe. Le plan-masse est validé en 1953. La première pierre est posée en 1956 et l’aéroport final (12.000 m²), qui correspond à l’actuel hall A, est inauguré en 1960.

Avec l’aérogare provisoire, le trafic passagers était passé de 25.000 à 140.000 de 1945 à 1960. Il ne cessera ensuite d’augmenter, pour atteindre son premier million en 1979 et sept millions aujourd’hui. Quant à l’aéroport, il est devenu une des images de marque et un des premiers moteurs économiques du territoire.

 

1961-1963 : l’aménagement des premières zones d’activité

la création des zones d’activité
Crédit : archives de Mérignac - Le carrefour Vigneau-Kennedy et la zone de l’hippodrome en 1974 


En 1960, la population de Mérignac dépasse déjà 30.000 habitants. Un élément récurrent dans les discours de Robert Brettes est la volonté de fixer des emplois à Mérignac pour éviter que la ville ne se transforme en cité dortoir, et surtout de générer de nouvelles ressources fiscales.

En 1961 et 1963, la ville aménage donc successivement deux nouvelles zones d’activité économique, à la place de l’hippodrome Naulin, sur une emprise foncière située entre la nouvelle route de l’aéroport et le quartier de Pichey. D’après le bulletin municipal Mérignac ville verte (lancé en 1965), la zone accueille une quinzaine d’entreprises et 450 emplois dès la deuxième partie des années 60.

La zone du phare sera aménagée en 1963, toujours par la ville, au nord de Mérignac, entre l’avenue de Magudas et la route de Martignas (actuelle avenue Marcel Dassault). Son nom fait référence à un phare de navigation aérienne installé au Haillan au milieu des années 30. Les entreprises qui s’y implantent sont liées à la logistique, à la construction, à la petite production et à l’artisanat.

Il faut noter enfin que Pernod y installe, route d’Arès (aujourd’hui avenue de l’Argonne) sa plus grande usine d’Europe (sur le site de l’actuel MSF logistique) et Armand Thiery, sa plus grande usine de fabrication du groupe (rue Montgolfier, à Capeyron).

La présence, puis le maintien, d’une activité productive forte, qui reste une des marques de fabrique de Mérignac (on parle aujourd’hui de « village industriel » pour désigner la ville, date de cette époque.

 

1968-1969 : les débuts de la grande distribution

l’hypermarché Carrefour en 1969
Crédit : archives de Mérignac - L’hypermarché Carrefour en 1969 


La fin des années 60 est marquée par l’apparition de la grande distribution, avec dès 1965 l’implantation des supermarchés Monoprix avenue de l’Yser (devenu par la suite Casino) et Suma à Mondésir en 1968 (devenu Simply Market, puis Auchan). Mais la vraie révolution est marquée par l’arrivée de l’hypermarché Carrefour en 1969.
La marque Carrefour apparait en 1959 et le concept de l’hypermarché est inauguré en 1963 à Sainte-Geneviève-des-bois. Les premières traces du projet de Mérignac datent de 1967 dans les archives de la ville.

Le projet se développe sur une emprise foncière quasi-désertique de 97.000 m², mais déjà desservie par l’avenue Kennedy. Pour l’anecdote, le projet est instruit par la DDE. Il n’y a ni CDAC, ni étude d’impact. Le magasin est inauguré en octobre 1969 avec 16.000 m² de surface commerciale, 1.500 places de parking et une petite station-service de 675 m².

L’ouverture de Carrefour est une révolution commerciale et sociétale dans l’agglomération. L’hypermarché a entraîné la création de la galerie Mérignac Soleil et la constitution de la plus grande zone commerciale. Il reste, avec près de 500 salariés, un des dix plus gros employeurs privés de la ville et la première locomotive de la zone commerciale.

 

Chronologie :

L’hôtel Novotel à son ouverture en 1973
Crédit : archives de Mérignac - L’hôtel Novotel à son ouverture en 1973
 
  • 1944 : Robert Brettes est désigné comme chef d’une délégation en remplacement de l’ancienne municipalité de Mérignac ;
  • 1950 : Installation de la société des avions Marcel Dassault à Mérignac, avec un premier hangar de 12.000 m² dessiné par Georges Hennequin ;
  • 1951-1958 : La BA 106 accueille une base de l’OTAN ;
  • 1957 : Mise en service de la route de l’aéroport, future avenue Kennedy ;
  • 1960 : Inauguration de l’aérogare (12.000 m²) par Robert Buron, ministre des Travaux publics. Le bâtiment est dessiné par Raymond Mothe ;
  • 1961 : Création de la zone de l’Hippodrome ;
  • 1963 : Création de la zone du phare. Ce sont les deux seules zones d’activité aménagées directement par la ville ;
  • 1963 : Implantation de l’usine Armand Thiery avenue du Château d’Eau et de Pernod route d’Arès (avenue de l’Argonne). A l’époque, c’est la plus grande usine de fabrication de vêtements du groupe et la plus grande usine Pernod d’Europe ;
  • 1964 : Usine Semia-demio avenue Kennedy, dessinée par Michel Pétuaud-Létang ;
  • 1965 : Implantation de Monoprix en centre-ville ;
  •  1967 : Livraison du bâtiment du supermarché Casino en centre-ville ;
  • 1968 : création de la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) ;
  • 1968 : Implantation des Laboratoires Sarget (Viatris aujourd’hui) ;
  • 1968 : Implantation du supermarché Suma (Auchan aujourd’hui) place Mondésir ;
  • 1969 : Création de Temsol, première entreprise du groupe Cassous ;
  • 1969 : ouverture de l’hypermarché Carrefour ;
  • 1970 : la SFERMA devient la Sogerma ;
  • 1972 : Ouverture de la discothèque Méga Macumba, dessinée par Michel Pétuaud-Létang à Beutre ;
  • 1973 : Ouverture de l’hôtel Novotel avenue Kennedy, premier hôtel d’affaires de Mérignac ;
  • 1974 : Décès de Robert Brettes (13 septembre).

 

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