01/07/2024
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Les travaux sont entrés dans leur phase active

Les 48 premiers logements datent de 1966, quand l’arrêté préfectoral du 15 décembre accorde la construction d’une « cité de transit » afin de reloger la population du quartier Mériadeck à rénover : Un an plus tard, un autre arrêté prévoit 45 logements supplémentaires pour des travailleurs étrangers. Avec le temps, la succession des crises du logement, le transitoire devient permanent et les habitants s’attachent à ce lieu à part, à l’orée de la forêt et entouré de pavillons neufs.

En 2019, des travaux d’électricité menés par le bailleur ont permis de rouvrir le dialogue avec les habitants. En parallèle, une équipe de maitrise d’œuvre urbaine, architecturale, paysagère et sociale est mandatée pour une réhabilitation en profondeur de ces 93 logements individuels de plain-pied devenus au fil des décennies... un patrimoine.

 

« Nous sommes partis de l’habitant »

Pendant des mois, le cabinet Christophe Hutin architecture a installé ses bureaux au cœur de la résidence pour s’immerger dans le quotidien des résidents et réaliser des entretiens personnalisés dans un logement vacant.

« Bien sûr il y a le caractère dégradé des lieux, mais ce qui nous a sauté aux yeux, c’est d’abord la façon dont les gens habitent la cité, dont ils ont écrit l’histoire sur 3 générations », témoigne l’architecte DPLG. « Ils ont été très créatifs pour transformer à leur image des maisons livrées brutes de finitions. On trouve des extensions, des jardins et même des piscines ! Il y a un désir fort d’habiter, de transformer l’existant pour l’adapter à un projet de vie. »

Même ceux qui n’avaient ni l’argent ni les compétences pour modifier leur maison ont pu compter sur une communauté dans laquelle les métiers du bâtiment sont sur-représentés. Ces tranches de vie, ce patrimoine immatériel, ont constitué la feuille blanche de l’architecte.

« Après les entretiens, nous avons enchaîné les diagnostics des 93 maisons pendant 2 ans. Le maire était présent dès le début et très impliqué. Nous sommes partis de l’habitant, de sa relation au lieu. “Observez plus, jardinez moins”, martèle le paysagiste Gilles Clément... Ce fut aussi notre méthode », revendique Christophe Hutin.

 

Gagner des mètres carrés, gagner en qualité de vie

Une méthode inscrite dans la durée pour un projet de longue haleine, de surcroît ralenti par le COVID et un épisode incontournable de désamiantage. Mais depuis mai dernier, la rénovation est entrée dans sa phase active :
en plus d’une mise aux normes de l’isolation thermique, de la VMC et des accès PMR, il faut augmenter la taille du bâti en transformant son enveloppe, créer une extension à l’avant dans laquelle sont intégrés une entrée, une salle de bains, des équipements de confort...

Les chambres y gagnent en mètres carrés et les familles, en qualité de vie. Le tout, sans déloger les habitants. Un pari un peu fou, mais rendu possible, notamment grâce à 9 logements témoins qui accueillent les résidents dans la journée pendant la réfection de leur logis. Le soir, ils rentrent chez eux.

« Il y a un désir fort d’habiter, de transformer l’existant pour l’adapter à un projet de vie »
cité de beutre

Un projet social qui dépasse l’optimisation technique de l’habitat
« La réhabilitation de la cité de Beutre est une rénovation attendue et nécessaire. Ce projet, qui doit être livré fin 2025, est déjà une réussite. Un important travail de concertation a été mené en amont des travaux avec la population, dans le respect du vécu de chacun. L’objectif d’améliorer le bien-être des résidents est au cœur d’une démarche d’aménagement urbain
avec un projet social qui va au-delà de l’optimisation technique de l’habitat. »

Thierry Trijoulet
1ᵉʳ adjoint délégué à l’urbanisme, aux grands projets urbains, à l’habitat, au patrimoine et à la politique de la ville.

De la cité de Beutre à la cité des Doges

Christophe Hutin, commissaire du pavillon français à la Biennale de Venise en 2021, y a organisé une exposition sur le thème de la compétence de l’architecte et la performance des habitants. Pour illustrer son propos, il a présenté le projet de la cité d’urgence et invité plusieurs familles de Beutre à venir témoigner de leur expérience. Une excellente manière de « rendre l’architecture aux habitants », comme le souligne l’architecte.

De la cité de Beutre à la cité des Doges

 

Le saviez-vous ?

Éric Chauvier, anthropologue, a suivi la phase de concertation du projet de réhabilitation de la cité de Beutre. Il a récolté les paroles des habitants qu’il a exposées au Capc (musée d’art contemporain de Bordeaux, été 2022). Ces verbatim pourraient bientôt faire l’objet d’un ouvrage...

le saviez-vous

 

 J'ai besoin de revenir ici, c'est une source d'énergie

« J’ai toujours habité ce quartier dans lequel mes parents, immigrés algériens, sont arrivés il y a bien longtemps. On l’appelle encore quartier des étrangers et les “nouvelles familles” sont là depuis 30 ans ! Mon travail m’appelle souvent hors de France, mais je suis toujours heureux de revenir dans la maison de mes parents. C’est un besoin et une source d’énergie. Ici, l’entraide est une valeur forte. On vit comme dans une colonie de vacances, le week-end, on se fait des barbecues tous ensemble. Quand les architectes sont venus la première fois, ils ont compris l’importance des liens qui unissaient les résidents, ils n’ont rien imposé. Le logement témoin est une bonne chose : il a permis aux plus âgés qui ne savent pas se projeter sur un plan, de visualiser le projet et, finalement, de l’accepter. »

Djillali Défali, 51 ans
Character Designer dans les jeux vidéos

Les travaux vont alléger ma facture de gaz

« Je suis arrivée dans la cité en 1969. Je connais tout le monde. Je l’appelle le quartier de l’amour tant les résidents sont prévenants les uns avec les autres ! Souvent, ce sont les enfants des anciens qui reprennent les logements de leurs parents, alors l’histoire peut continuer ! Au début, c’est vrai, on a eu du mal à croire à ce projet de réhabilitation. Mais au fil des réunions, on se l’est approprié. On nous a très bien expliqué le déroulé des travaux. Et quand on a vu les premiers coups de pelle, on a tous été ravis. Je suis très satisfaite qu’on nous refasse l’isolation car je chauffe au gaz et avec les murs, les portes et les fenêtres actuelles, la perte d’énergie est phénoménale ! Les travaux vont alléger ma facture. »

Véronique Renard
Agent de service et aide à domicile

Le point travaux

« La période de préparation des travaux a débuté en novembre 2023. Les voix et réseaux divers sont terminés et les fondations sur les trois barrettes de logements seront achevées fin juillet » précise-t’on chez le bailleur Aquitanis.
« Ensuite on attaque toutes les extensions et les travaux extérieurs. Un système de barrières étanches permet d’intervenir sur les toitures en site occupé. Quand les habitants seront invités à quitter leur foyer lors de la phase de réaménagement intérieur, ce sera seulement pour la journée. Nous prévoyons de livrer le chantier fin 2025. »

Coût du projet : 

12 millions d'eurotravaux